Re: [spectre] From Kosovo to Lebanon (Baudrillard, in Libération, 1999)

Alain Kessi kessi at kein.org
Tue Aug 29 03:13:12 CEST 2006


The text sounded familiar... and indeed I found an old translation I had 
done at the time:

http://www.savanne.ch/kosova/baudrillard-kosovo-19990429-en.html

The translation is no more than a draft done to serve in some 
discussions that were then going on. But perhaps someone will have been 
intrigued by Louise's mail and would like to have a look...

Regards,

Alain
*code flow*
http://www.code-flow.net

Louise Desrenards wrote:
> Deal all,
>
> The question of Lebanon after the cease-fire getting more confuse than never
> during the war, any reflections are coming soon...
>
>
> On one hand:
>
> Besides to notice that Wolfowitz, emergence of the Defence of the United
> States today in the head of the World Bank, has accompanied Rice on the
> meeting of Rome, declaring that the World Bank would pay. On the other hand,
> same declaring a bit further to the Press that the United States did not
> honor any more their part of contribution for compensate the cancellation of
> the debt of the poor countries that linked to the result of 2006 G8 of St
> Petersburg having dissociated itself from its engagement from rich to poor
> countries, we indeed wonder which ( who ) will pay the reconstruction of the
> Lebanon under the poster of a generous American donation for the
> reconstruction of the Lebanon, declared by mister Bush, otherwise the World
> Bank - that is, essentially the tribute of Europe if American participation
> in this frame is obvious by no means.
>
> May be the profitable vicious recycling: unless the fit of Arabian
> petrodollars for Texan profit at Wall street, thanks the war, to return in
> the Middle East after the war...
>
> At whom do they laugh?
>
>
> On the other hand:
>
> I looked in vain for a translation in English of Jean Baudrillard's second
> text on the war of Kosovo, out in the French newspaper Liberation issue of
> April 29, 1999. On the contrary, I found requests asking for information on
> this text, in the university and critical reference sites on Internet.
>
> Omitting that Baudrillard is not more an adept of the States as of
> nationalisms, just at the moment this article was writing, it made a sort of
> scandal by misunderstanding the objects (may be the cause that it has not
> been immediately translated). Today reading this text, as we know how
> Balkans become after all, obviously it is mostly predictable of the western
> cultural and political hegemony submitted by US domination.
>
> Finding that this French-speaking original version of 1999 is relevant to
> look at the way the current war of the Lebanon turned since the cease-fire,
> among which the evident exclusions of the allied nearby countries of
> Lebanon, ( Syria ‹whatever a laic country‹, Iran ‹whatever the nuclear‹ ),
> of Palestine ( the prisoners of Gaza ), and of  Lebanese Hezbollah, as well
> as " Moslem countries which are not allies of Israel ", in the international
> process of order delivery to Lebanon, under the allegiance of its colossal
> debt for capital assigned to its reconstruction, I thought useful to put
> back online this francophone text, so that English-speaking friends maybe
> can translate it correctly for an original publishing online to the common.
>
> That does not tell all but mostly a part from a certain point of view.
>
> L.
>
> Here it is:
>
>
> -----------------
>
> " Partout en Europe, les minorités ethniques sont en voie de disparition.
> Tous les Etats en tant que tels ne peuvent qu'être fondamentalement
> complices de Milosevic.
>
>  
> Duplicité totale de cette guerre
>  
> Par JEAN BAUDRILLARD
> Le jeudi 29 avril 1999
>  
>  
>  
>  
>  
>         Il faudrait quand même extraire les raisons cyniques de cette
> «guerre», les raisons inavouées de cette intervention qu'on dit être un
> échec, qu'on dit catastrophique sur tous les plans. Et justement, c'est là
> où nous vient un doute cruel sur toute cette mise en scène. Tant d'erreurs
> accumulées, tant de tergiversations et d'actes manqués doivent bien avoir un
> sens, et cette persistance dans la confusion tactique, dans cette guerre
> velléitaire qui rate comme délibérément sa cible (je parle des Occidentaux:
> Milosevic n'a pas raté la sienne), tout cela ferait douter de la définition
> même de la guerre: la poursuite de la politique par d'autres moyens. Si
> cette définition vaut encore, alors tous nos stratèges et nos politiciens
> occidentaux sont idiots, ce qui n'est pas à exclure, mais avant d'en arriver
> à cette extrémité demandons-nous s'ils ne sont pas au contraire en train de
> mener à bien et de réussir une opération parfaitement programmée, qui en
> tout cas se déroule comme si elle l'était.
>
> On dit: l'Otan ne fait que des erreurs. L'Europe est incapable d'avoir la
> moindre politique concertée. Mais NON, c'est exactement le contraire. Que
> fait Milosevic? Il élimine ses minorités, en particulier bien sûr la
> minorité musulmane, ce en quoi toute la Yougoslavie «blanche», catholique ou
> orthodoxe, est derrière lui. Mais pas seulement la Yougoslavie. Toute
> l'Europe est derrière lui. Tous les Etats nationaux européens ont des
> problèmes avec leurs minorités de souche ou immigrées qui ne vont pas
> s'exténuer bien au contraire. Partout les minorités ethniques,
> linguistiques, toutes les singularités sont en voie de disparition ou
> d'élimination. Milosevic est le porte-drapeau de la purification, mais elle
> est partout à l'¦uvre dans une perspective politique, au-delà de toutes les
> rodomontades sur l'autonomie et les droits de l'homme, tous les Etats
> européens en tant que tels (je ne parle pas des populations, mais que
> sont-elles, sinon la caisse de résonance idéologique et humanitaire de
> l'information?) ne peuvent qu'être fondamentalement complices de Milosevic -
> quitte à le vomir comme leur mauvaise conscience et à faire semblant de le
> châtier parce qu'il fait trop bien (c'est-à-dire trop mal, trop brutalement)
> le sale travail. Mais on lui aura laissé tout le temps pour le faire.
> Pourquoi regretter inlassablement qu'on ne soit pas intervenu un an, deux
> ans, trois ans plus tôt (ça fait quinze ans que ça dure), et pourquoi, par
> quelle méconnaissance stupéfiante de la situation, l'Otan a-t-elle engagé
> des frappes aériennes sans se douter des conséquences au sol (alors que
> tellement d'experts ont dû y réfléchir pendant des mois), et pourquoi ne pas
> paralyser immédiatement les forces serbes au sol, au Kosovo, au lieu de
> déployer une logistique aérienne plus ou moins inutile? Eh bien, ça crève
> les yeux - tout devient clair si on imagine que les frappes aériennes sont
> là pour ne pas intervenir au sol ou pour retarder le plus possible
> l'intervention - quand tout sera fini. Solana l'a bien dit (sans se douter
> qu'il trahissait cruellement la vérité politique de cette guerre): «Nous ne
> reprendrons les négociations avec Milosevic (tiens: on ne cherche donc plus
> à s'en débarrasser?) que lorsqu'il sera mis fin au nettoyage ethnique» -
> entendez bien: lorsqu'il sera achevé. Ce qui se déroule implacablement. Dans
> ce sens, cette guerre - ou du moins l'opération qui sous-tend cette guerre
> qu'on nous donne à voir - se déroule de façon optimale, quasiment
> programmatique. Parce que Milosevic est l'exécutant de la politique
> européenne, la vraie, la seule, celle d'une Europe blanche, propre, expurgée
> de toutes les minorités - politique négative, politique exclusive et
> intégriste, mais pourquoi se faire des illusions, l'Europe n'a aucune idée
> positive d'elle-même, l'Europe n'est que hantée par le spectre de l'Europe
> -, pour toutes ces raisons nous faisons semblant de le combattre, mais
> toujours trop tard et mal. De toute façon, ce n'est pas fini: après le
> Kosovo, le Monténégro, comme ailleurs le Kurdistan, la Palestine, etc. (la
> tragi-comédie du «processus de paix» au Moyen-Orient relève très exactement
> de ce «retardement» indéfini et calculé).
>
> Mais les choses sont encore plus compliquées. Car si l'Europe a une
> politique déterminée, sinon délibérée, celle d'une future coalition
> d'entités nationales qui auront fait le ménage chez elles (sinon comment se
> consolider mondialement face à l'Amérique?), et non pas du tout
> multiculturelle et multiraciale, l'Amérique, elle, via l'Otan, a une
> stratégie tout aussi déterminée. Après être venue à bout du communisme au
> terme d'une troisième guerre mondiale froide et décongelée, après avoir
> neutralisé l'autre puissance immédiatement menaçante, le Japon, grâce à une
> déstabilisation elle-même largement calculée des places financières
> asiatiques, l'Europe est désormais son point de mire, et son objectif celui
> de faire échec le plus longtemps possible aux velléités de multinationale
> européenne cohérente, qui deviendrait une rivale menaçante. Le meilleur
> moyen pour cela est de désunir l'Europe en la prenant au piège d'une guerre
> dont celle-ci ne veut pas et qui ruine ses dernières chances, en venant
> éventuellement au secours des minorités (Bosnie, Kosovo, Kurdes, etc.), dont
> l'Amérique elle-même n'a rien à faire, et dont tout le monde veut
> secrètement se débarrasser - l'ennemi public mondial numéro 1 étant de toute
> évidence l'Islam et le front islamique, car le seul profondément réfractaire
> à la mondialisation en cours -, là est le véritable front de la quatrième
> guerre mondiale. On négociera donc inévitablement avec Milosevic, on le
> laissera survivre (tout comme Saddam Hussein) moitié pour consolider le
> nettoyage, moitié pour brouiller les cartes de l'Europe. Même la présence au
> sol d'une force internationale (dont on connaît toute l'ambiguïté dans la
> continuation des massacres en Bosnie) n'y changera rien. L'Amérique sait
> donc parfaitement ce qu'elle veut - c'est à croire que les experts du
> Pentagone sont des génies (même politique à travers Israël: maintenir
> partout les abcès de fixation et de déstabilisation, faire la police en se
> faisant à la fois le champion des victimes et le complice des bourreaux).
> Mais il n'en est rien: c'est le cours inéluctable du Nouvel Ordre mondial
> qui veut cela, et ils n'en sont que les opérateurs. Quant aux Européens,
> impliqués (mais on a vu avec quelles arrière-pensées) dans l'action de
> l'Otan, qui travaille à leur déconfiture, ils plongent dans une situation
> confuse et insoluble. Chaque Etat est pris aujourd'hui entre deux ennemis au
> fond: ses propres minorités et l'Amérique. Gérer à la fois le Nouvel Ordre
> mondial à son échelle (éliminer tous les éléments hétérogènes et
> réfractaires) et subir les effets d'une mondialisation à grande échelle,
> dont l'Europe telle qu'elle se profile est à la fois le relais et la
> victime. C'est plus ou moins sans espoir. Reste le refuge de la coalition
> humanitaire, à défaut de politique cohérente - autre contradiction
> pathétique, car secourir les victimes en tant que victimes ne fait que
> consacrer le succès de l'opération de nettoyage. Mais Benetton va pouvoir y
> ressourcer sa publicité, et chacun, «en arrêtant de fumer et en reversant
> l'équivalent aux Kosovars, pourra sauver deux vie en même temps»!
> Il y a donc une duplicité fondamentale de cette «guerre», dont la moindre
> n'est pas de nous sommer d'être pour ou contre. Rien ne permet de prendre
> parti dans une guerre qui est un leurre, qui se joue pour autre chose et
> dont les objectifs sont masqués, inavoués et peut-être même obscurs à la
> conscience des uns et des autres. C'est être parfaitement dupe des raisons
> cyniques et secrètes de cette guerre, que masquent à profusion et de toutes
> parts les commentaires idéologiques, intellectuels et humanitaires. Anéantir
> Milosevic? C'est ne pas voir que nous en sommes complices. Arrêter tout,
> aller jusqu'au bout de quoi? C'est ne pas voir les subdéterminations de
> cette guerre qui n'a jamais véritablement commencé, étant donné qu'on n'a
> jamais vraiment voulu en finir, et qui n'est que l'un des multiples épisodes
> à venir d'une confrontation cette fois véritablement elle-même. D'où la
> difficulté paradoxale de mettre fin à une guerre qui n'est pas la vraie,
> dont la duplicité est totale et dont les objectifs n'auront même pas été
> atteints - mais qui se déroule en fait, derrière cette duplicité et ces
> fausses man¦uvres, exactement comme elle doit se dérouler. Il est donc
> absurde, en plein truquage et en pleine désinformation - qui fait elle-même
> partie de la «catastrophe humanitaire» (quel lapsus! ou cette catastrophe
> est humaine ou c'est l'humanitaire lui-même qui fait partie de la
> catastrophe) d'être pour ou contre. Ce qu'il faut dénoncer et percer à jour,
> c'est d'abord l'illusion de cette guerre. A la Realpolitik il faut opposer
> une Realanalyse - ce qui n'empêche pas la violence des réactions et des
> sentiments que peut provoquer cette mondialisation hégémonique. Mais, pour
> la combattre, il faut savoir, derrière les péripéties idéologiques dont la
> guerre et les médias font partie, qui est vraiment du bon ou du mauvais côté
> de l'universel... Nous les Occidentaux sommes du bon côté de l'universel.
> Honneur à ceux qui sont tombés du mauvais côté. Honneur, et non pas
> compassion. Pas de compassion pour les victimes, mais pas de pitié pour les
> autres.
>
> J.B." 
>  
>  /////////////////////////
>  
>
>
>
>
>
>
>
>
>
> ______________________________________________
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